lundi 29 novembre 2021

Le vieillissement est-il une maladie?

Il existe une maladie génétique, appelée syndrome de Werner, qui entraine un vieillissement très rapide et la mort avant 50 ans. Et si nous souffrions tous d'un vieillissement inutilement prématuré?

C'est l'opinion de David Sinclair, l'auteur d'un livre que je viens de lire. C'est un biologiste qui étudie le vieillissement chez les levures et les souris — jeune chercheur, il a reproduit le syndrome de Werne chez des levures, qu'il juge métaboliquement plutôt semblables à nous! 

Selon lui, on pourrait très bientôt, voire dès maintenant, allonger de manière significative la durée de la vie humaine, et, encore plus important, la durée de vie en santé (dans les tests avec les souris, on remarque non seulement que les souris vivent plus longtemps, mais qu'elles sont malades moins longtemps avant de mourir — et les souris sont des mammifères très semblables à nous, beaucoup plus que les levures!) et ce, avec des traitements préventifs et curatifs relativement bon marché. Avec l'avancée des recherches scientifiques, que ça soit dans le domaine du métabolisme ou ou dans celui de la génétique, on pourrait vivre très bientôt jusqu'à 120 ou 130. Au moins.

Mais pour ça, il faut que le vieillissement soit considéré comme une maladie à part entière. Pourquoi? Parce qu'ainsi, la recherche sur le vieillissement pourra mieux être financée, des médicaments ou des traitements visant uniquement à ralentir ou même à inverser le vieillissement pourront être testés et autorisés, et ces médicaments pourront être remboursés par les assureurs privés et publics. D'ailleurs, le Dr Sinclair, né en Australie, bien qu'il vive aux États-Unis depuis des décennies, trouve important que tout le monde puisse avoir accès à ces traitements, qu'ils soient riches ou pauvres.

Il existe bien entendu des instituts consacrés au vieillissement, mais ils mettent tous l'accent sur une maladie gériatrique en particulier, très souvent la maladie d'Alzheimer. Mais cette approche comporte deux problèmes. Le premier, c'est que même l'élimination de toutes les maladies qui affectent les personnes âgées ne fera augmenter l'espérance de vie que marginalement: il y aura toujours quelque chose d'autre qui flanchera bientôt. Les statistiques montrent qu'éliminer tous les cancers n'augmenterait l'espérance de vie moyenne que d'environ deux ans et demi! Pour les maladies cardiaques, ce serait environ le double. Le second problème, c'est celui du cout: il en coutera beaucoup moins cher de prévenir le vieillissement que de tenter de guérir telle ou telle maladie causée, du moins en partie, par le vieillissement. Ici plus qu'ailleurs, le vieil adage qui dit qu'il vaut mieux prévenir que guérir prend tout son sens.

Même s'il n'est ni sociologue ni économiste, le Dr Sinclair aborde les changements sociaux que ne manquera pas d'amener un tel bouleversement démographique. Le premier blocage sera certainement celui des retraites. Vouloir repousser l'âge de la retraite suscite toujours des levées massives de boucliers. Mais comment imaginer la retraite à 65 ans (et à fortiori Liberté 55MC!) si on vit en grand nombre et en bonne forme jusqu'à 120 ou 130 ans?  Il s'agirait non seulement d'un non-sens économique (comment payer 75 ans de retraite avec 40 ans de cotisations?) mais aussi humain: peut-on penser qu'une personne en forme et pleine d'énergie pourrait passer 75 ans à améliorer son swing au golf? C'est pourquoi le Dr Sinclair propose des années sabbatiques pour des vacances ou pour des années d'études (mise à jour, requalification professionnelle) sans négliger d'assurer un soutien financier lorsque l'énergie vitale décline finalement.

Dès maintenant

Mais nul n'est besoin d'attendre. Il existe déjà des suppléments (que tout le monde ne peut pas s'offrir, malheureusement, même s'ils ne sont pas réservés non plus aux millionnaires) qu'on peut prendre pour améliorer certains aspects de sa santé métabolique ou aider à se débarrasser des cellules dites sénescentes (aussi appelées cellules zombies!). Le Dr Sinclair en prend lui-même, ainsi que son équipe et leurs proches, souvent avec des résultats assez spectaculaires (mais pas scientifiquement probants, vu le manque de groupe de contrôle et le risque d'un effet placebo). On parle de personnes âgées retrouvant une énergie juvénile (et que leurs vieux amis ne peut plus suivre dans leurs activités), ou même de femmes ménopausées vivant une déménopause, si l'on peut dire. Les principaux produits, si ça vous intéresse, sont le resvératrol (celui qu'on a d'abord identifié dans le vin rouge — mais il faudrait en voire des centaines de verres par jour pour que l'effet soit détectable) et le mononucléotide de nicotinamide (ou NMN, sigle de son nom anglais). En plus des suppléments, on met aussi des l'avant des comportements, comme le jeûne intermittent et la diminution calorique, l'exercice, allant de la marche à la muscu, en passant par le sport (et j'aime bien travailler aussi à améliorer mon équilibre), le sauna et le bains froids, bref, ce genre de choses qui en rebuteront plus d'un... Évidemment, les études sont souvent parcellaires, surtout celles concernant les suppléments, pour lesquels les études sur les humains sont rares, sauf celles qui concernent leur non-dangerosité. Il faut dire qu'une vraie étude sur l'effet d'un supplément sur la longévité devrait forcément durer des décennies, ce qui est presque inconcevable.

Personnellement, je pense depuis longtemps qu'améliorer la longévité humaine s'inscrit en droite ligne dans l'histoire de la médecine, des sciences et de l'humanisme en général. De plus, une telle approche préventive permettra non seulement d'améliorer la qualité de vie de ces personnes qu'on ne qualifiera plus d'âgées, mais aussi de libérer les sommes et les travailleurs expérimentés nécessaires pour affronter les défis qui nous attendent.