lundi 2 janvier 2017

Comment inclure?

Quelques commentaires sur le livre de Jean Dorion Inclure, Quelle laïcité pour le Québec?

Jean Dorion, militant pour l'indépendance du Québec depuis avant ma naissance, est devenu, par je ne sais plus trop quel miracle, mon ami Facebook. Au fil des échanges, le thème de la Charte des valeurs québécoises et du foulard islamique a été abordé sur son fil (ce qu'on appelait un mur, auparavant, si je saisis bien). Pour mieux connaitre son point de vue, il m'a invité à lire son essai dont le titre apparait plus haut.

Je n'ai pas d'opinion arrêtée sur la Charte des valeurs québécoises, sinon que son titre est très mauvais et que tant ses opposants que ses partisans m'indisposaient souvent. À tout prendre, j'aurais préféré une loi établissant la laïcité de l'État québécois, en commençant par le retrait du crucifix du Salon bleu. Après tout, les symboles sont importants, n'est-ce pas? Je suis extrêmement sensible à l'argument de M. Dorion selon lequel toute interdiction de vêtements ou d'accessoires clairement identifiés à une religion sur la rue, à l'école ou dans la fonction publique par les souverainistes québécois donnerait à notre mouvement une très mauvaise presse, alors que nous avons, c'est évident, besoin de l'appui de nos voisins pour réussir l'indépendance. Si un jour on y arrive...

Je comprends aussi que l'intégration ou l'assimilation ne se fait pas en criant ciseaux et que la religion fait partie importante de la personnalité et de l'identité de bien des gens. Finalement, je ne sais que trop bien que le refus de certains comportements religieux est souvent moins fondé par l'appui à la laïcité que par le refus de la différence.

Néanmoins, j'ai parfois peur. Peur du retour de la religion dans la vie publique. J'ai peur que l'acceptation des célèbres accommodements raisonnables (qui sont demandés le plus souvent par des chrétiens fondamentalistes, dit-on) fasse régresser la société vers une société cloisonnée entre groupes ethno-religieux, dans laquelle l'appartenance à un groupe finira par déterminer les droits et obligations de chacun (et surtout de chacune), un peu comme c'est le cas en Inde, où les hindous et les musulmans n'ont pas le même Code civil.

De manière amusante, quand M. Dorion pose ce que devraient être, selon lui, les balises aux accommodements raisonnables, il me semble qu'en 2017, ces limitations le feraient dans bien des milieux passer pour un laïcard islamophobe. Le droit à la vie, par exemple pour les transfusions de sang pour les mineurs, est constamment rediscuté devant les tribunaux. Le programme d'enseignement est rarement laïque dans les institutions privées réservées à un groupe donné — il suffit de penser aux cas récemment rendus publics des écoles pour enfants de parents hassidiques, ou de la poursuite intentée contre la yeshiva de Boisbriand.

Mais surtout, M. Dorion met l'accent sur la nécessité de demander les dérogations. Je suis loin d'être certain que le fait que, par exemple, chaque musulman ait à demander personnellement le droit de prier, par exemple, soit réaliste. Dans une administration, quand une telle décision est prise, elle devient habituellement un droit acquis, si l'on peut dire. Et il y a fort à parier que si un musulman n'allait pas prier alors que c'est permis, il pourrait arriver que l'on exerce sur lui des pressions plus ou moins discrètes. Après tout, bien des musulmanes, après avoir clamé haut et fort qu'elles portaient le hidjab par choix, se sont aperçues, après qu'elles eurent, finalement, décidé de ne plus le porter, que bien de leurs amis ou de leurs parents se sont mis à exprimer leur  mécontentement face à cette décision.

Ensuite, quand le hidjab devient acceptable et normal, comment interdire le niqab (qui est bel et bien porté à Montréal)? Où et comment tracer la ligne?

Finalement, pour ce qui est des couts, n'est-ce pas une des raisons qui poussent dorénavant bien des employeurs privés à y penser à deux fois avant d'engager un musulman?

Cas anecdotiques

1. M. Dorion écrit: «L'existence de périodes de bain non mixtes dans une piscine publique de mon arrondissement ne m'a jamais scandalisé, étant donné qu'il s'agit d'une période de deux heures par semaine.» Je crois savoir de quelle piscine il s'agit, et c'est la piscine que je fréquentais avec mes enfants. Ces périodes m'ont toujours contraint à aller me baigner avec eux beaucoup moins que je ne l'aurais voulu. Durant la semaine précédant Noël 2016 (c'est le seul horaire dont je dispose), il y avait quatre heures non mixtes, et douze heures de bain libre pour tous. On m'enlève 25% du temps que j'aurais pu passer avec mes enfants (qui sont grands maintenant, mais le principe est là). Et là encore, une jeune fille qui voudrait aller au bain libre pourra bien souvent être rappelée à l'ordre, puisqu'il existe des périodes réservées aux filles...

2. Alors que mes enfants étaient, heureusement, déjà d'âge scolaire, de nombreuses garderies en milieu familial ont ouvert leurs portes dans mon voisinage. Je n'ai pas effectué un inventaire exhaustifs des choix offerts, mais à voir les pubs sur les poteaux, il semblait n'y avoir que des garderies anglophones et d'autres, francophones, mais n'offrant que des plats halals... Drôle de choix, non?


L'image provient d'une recherche Google pour laquelle j'ai demandé des images pouvant être réutilisées...

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