dimanche 26 juin 2016

Le Brexit, une bonne ou une mauvaise chose?

Tout le monde en conviendra: l'évènement politique de la semaine, c'est le vote de ce jeudi au Royaume-Uni, dont les habitants ont décidé à une courte majorité (courte, mais plus grande que celle du référendum québécois de 1995) de quitter l'Union Européenne. Alors, bonne ou mauvaise nouvelle?

En tant que souverainiste, ne devrais-je pas suivre l'exemple de Jean-Martin Aussant ou des candidats à la chefferie du Parti Québécois et féliciter le peuple britannique d'avoir décidé de reprendre sa souveraineté? Ne devrais-je pas plutôt me désoler de la campagne démagogique, mensongère et xénophobe qu'ont menée les tenants du Brexit? (Ceci dit, les tenants du Bremain sont sans aucun doute péché tout autant que leurs opposants.) Sans doute un peu des deux. Mais pourquoi diable ne puis-je jamais avoir une opinion claire et simple, comme tout le monde?

Première des choses: le Royaume-Uni avait-il réellement perdu sa souveraineté? Bien entendu, il avait décidé de confier à une instance supernationale la gestion d'une grande partie de ses échanges commerciaux, et certains aspects de sa politique extérieure. Mais elle avait conservé sa monnaie, son paradis fiscal (c'est quoi, la City, selon vous?) et même la gestion de ses frontières. Non, les migrants ne pouvaient pas entrer librement au Royaume-Uni; ceux qui désirent vivre le rêve de l'Eldorado anglophone et pluvieux s'entassent jusqu'à ce jour dans un camp, à Calais, un camp presque digne des camps de réfugiés d'Afrique.

Bien entendu, l'UE est bureaucratique et tatillonne, édictant des règlements sur presque tous les sujets. Mais c'est le lot d'une entente commerciale entre 27 pays développés: si la France veut que seul son vin puisse s'appeler champagne, elle doit accepter les règles des Italiens pour définir les nouilles. Et, si des gauchistes de toute l'Europe en ont contre le parti pris de l'Union pour l'entreprise privée et la privatisation, ce n'est certainement pas le cas des conservateurs britanniques qui ont fait campagne pour le Leave.

Que reste-t-il, alors? Les paiements à l'UE? Une bonne part de cet argent revient directement au Royaume-Uni, principalement dans ses zones économiquement sinistrées depuis l'ère Thatcher, et le reste serait assez comparable à ce qu'il en couterait aux entreprises britanniques pour écouler leurs produits en Europe, comme disent les Anglais. Par ailleurs, le Royaume-Uni étant passablement riche, n'est-il pas normal qu'il aide les pays de l'Est du l'Europe à devenir des marchés intéressants?

Finalement, ce qui reste, c'est surtout la nostalgie d'une époque révolue, plus simple, sans beaucoup d'étrangers, l'époque de l'Empire, quoi. Un peu le fonds de commerce du Front national, par exemple. Le plus amusant, tant dans le cas de la France que dans celui du Royaume-Uni, c'est que les immigrants proviennent presque tous cet empire dont on a la nostalgie...

Et le Québec?

J'ose croire que les raisons à la base de la souveraineté du Québec sont différentes de celles qui animaient les tenants du Brexit. Les Québécois veulent interagir avec le monde sans devoir passer par Ottawa (alors que le Royaume-Uni a toujours son siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU), ils veulent défendre leur langue (qui peut croire que l'anglais est vraiment en danger en Angleterre? D'ailleurs, l'usage généralisé de sa langue dans le monde rapporte chaque année des milliards au Royaume-Uni), ils veulent protéger leur environnement. Certes, ils veulent reprendre le contrôle de leur économie, mais le sentiment dominant n'est-il pas que, depuis près de 150 ans, Ottawa avantage toujours l'Ontario?

C'est pourquoi je suis toujours abasourdi d'entendre chez les souverainistes québécois des diatribes contre les immigrants, contre les musulmans, contre tout le monde. Sans doute n'avons-nous pas besoin de l'immigration1. Sans doute finançons-nous fiscalement le reste du Canada à hauteur de plusieurs milliards de dollars par année, net2. Mais peut-on exister dans le monde sans avoir à haïr l'étranger?


1. Le Remède imaginaire, de Benoît Dubreuil et Guillaume Marois
2. Un gouvernement de trop, de Stéphane Gobeil.

L'image est publiée sous licence CC0.

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